
Lofotens
Feu de renard
Des vagues vertes ondulantes dans le ciel, une pluie de lucioles dans la haute atmosphère, un spectacle polaire où le féerique dépasse l’imagination, il s’agit bien des aurores polaires. Ces aurores dîtes boréales dans l’hémisphère nord sont la conséquence des puissants vents solaires qui propagent à une vitesse vertigineuse dans l’ensemble de notre système stellaire des particules électrisées à haute énergie. Lorsque ces particules chargées parviennent à proximité de planètes possédant un champ magnétique, elles déforment ce champ. Elles excitent et ionisent les atomes de la très haute atmosphère déclenchant ainsi de puissantes perturbations à haute altitude. Les atomes de la ionosphère sont chamboulés et lorsque ces éléments retournent vers un point d’équilibre, ils libèrent un peu d’énergie sous la forme de photons qui sont les particules élémentaires de la lumière visible, créant ainsi ce jeu éclatant de lumière que l’on peut percevoir à l’œil nu depuis le plancher des vaches.
Comment ne pas comprendre, le questionnement métaphysique des ethnies vivant depuis des siècles dans les hautes latitudes. La science a depuis plus de cent ans su amener une explication cartésienne quant à la présence de ces aurores polaires. Mais, de tout temps, la vue de ces paysages nocturnes lumineux en mouvements, ont été la source d’une quête de sens pour les terriens. Les inuits du Groenland pensaient que ces aurores étaient les manifestations de leurs ancêtres jouant à la balle avec des têtes de Morses.
Quant aux Samis, ces populations vivant dans le nord de la Scandinavie, ils pensaient par exemple que les aurores étaient de la poussière de neige dispersée dans le ciel par les queues touffues des renards polaires. Le terme finnois les désignant est revontulet qui signifie feux de renard. Il est intéressant de savoir que le renard polaire est la seule espèce de mammifère natif d’Islande. Il y est arrivé à la fin de la dernière glaciation en marchant sur la glace gelée de l’Atlantique nord. Cette espèce est bien présente dans toutes les régions de l’Arctique à l’exception de la Scandinavie où longtemps chassé pour sa fourrure, il est en danger d’extinction. Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, il ne restait en 2014 que 50 individus en Norvège, c’est à dire un nombre trop faible pour maintenir la viabilité de l’espèce à long terme. Cependant à l’image du projet » Arctic fox project » dirigé par un laboratoire de l’Université de Stockholm des initiatives tentent d’endiguer l’étiolement de l’espèce en Scandinavie. Il serait à priori toujours possible de l’observer dans les Lofotens.
Nous revenons juste de cet archipel où les lumières aurorales consécutives des poussières de neige soulevées par le passage fantasmagorique des renards dans la poudreuse, donnent un côté absolument magique à un territoire déjà sublimé par de magnifiques montagnes granitiques plongeant dans un océan à l’eau translucide. Ces sommets et ces pentes recouverts en hiver de cet or blanc que nous apprécions tant, sont un terrain de jeu parfait pour se balader, glisser, faire le vide et revenir à l’essentiel. Qu’on le veuille où non, ici, dans les Lofoten tout le monde sent frétiller sa petite corde sensible, les émotions ressurgissent, on apprécie l’instant présent, et on se sent juste chanceux et heureux d’être là.
Skier aux Lofoten, c’est skier face à une mer où le ballet des nuages poussé par les dépressions océaniques jettent une lumière douce et chatoyante ondulant tranquillement vers le sud autour des nombreux bateaux à la recherche de cabillauds. Ces embarcations naviguent aux larges des mignons petits ports de pêches répartis sur les centaines d’îles et presqu’îles de cette anomalie géographique. En effet, nul part ailleurs, mer et montagne se marient aussi bien pour offrir contemplation et émerveillement au skieur de passage.
Début Mars, les températures inférieures au point de liquéfaction gardent une neige froide toutes orientations confondues. Chahutée par le vent, elle est tantôt compacte et plaquée à proximité des crêtes, tantôt légère et plus profonde entre les petits arbres à l’approche des rivages. Les sommets ne dépassent pas les 1300 m et l’absence d’altitude facilite les efforts. Les vitesses d’ascension y sont donc étonnantes, et c’est tant mieux, car elles permettent de se rapprocher plus rapidement des ces immenses tours givrées où une croûte épaisse de neige donne aux sommets l’aspect de petits châteaux tout de blanc vêtus surveillant ce royaume sortant d’un conte de fée.
Vous l’aurez compris, à l’image des renards nordiques, faire voler la poudreuse des Lofotens en dessinant des courbes dans cette neige venue du nord au pays des aurores polaires est un luxe pour le corps et l’esprit.





